Electric vehicle charging station for home. 3D rendering image.
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Qui est Ensorcia Group, cette entreprise qui pourrait investir 200 millions d’euros dans le raffinage de lithium en France

 

Vendredi 20 janvier, l’entreprise américaine Ensorcia Group a annoncé sa volonté d’investir 200 millions d’euros en Europe, probablement en France, afin d’installer une usine de raffinage de lithium de qualité batterie. Ce nouvel acteur travaille de la mine au raffinage et mise sur une technologie d’extraction avancée dont il espère qu’elle permettra de répondre rapidement à la demande des véhicules électriques.

Pour tester la technologie d’extraction directe du lithium développée par la société International Battery Metals, Ensorcia Group importe des saumures vers son usine près du lac Charles, en Louisiane (Etats-Unis). Elle fonctionne à capacité réduite et sera ensuite exportée en Argentine.

L’une des annonces marquantes de la dernière édition du Forum économique mondial, à Davos, est venue d’une entreprise jusqu’ici quasi inconnue. Vendredi 20 janvier, le PDG de l’entreprise américaine Ensorcia Group, Daniel Layton, a dévoilé ses plans d’investir 350 millions d’euros en Europe et en Amérique du Sud pour développer l’extraction et la transformation de lithium. Sur cette somme, plus de 200 millions devraient servir à construire une usine de raffinage d’hydroxyde de lithium – la forme qui sert au sein des batteries les plus performantes – en Europe.

Dans un communiqué de presse, Ensorcia Group a souligné que la France est “pressentie” pour accueillir cet investissement. Un choix fait en partie «à l’instinct» et qui n’est pas définitif, explique Daniel Layton à LUsine Nouvelle en listant son attrait pour la France – sa «maison adoptive» – et pour «la manière dont le gouvernement traite l’industrie». L’usine, qui pourrait aussi voir le jour «en Pologne, en Hongrie ou en Allemagne», s’intègre dans le plan global d’Ensorcia Group, qui compte sur un modèle intégré et une technologie d’extraction présentée comme «écologique et modulaire» pour s’imposer dans un marché en pleine croissance.

Profiter de l’explosion du marché

«Nous avons commencé en 2016 avec l’optique d’être totalement intégrés», retrace Daniel Layton. Ensorcia Group a été formée et financée par des industriels américains issus du secteur du pétrole et du gaz, raconte l’entrepreneur. Restant flou, il précise qu’il a lui même travaillé à l’extraction de gaz de schiste et assure s’être désengagé de toute activité pétrolière depuis son virage vers le lithium. L’idée ? Se positionner sur ce métal léger indispensable aux batteries, en acquérant des terrains à exploiter en Amérique du Sud et en identifiant des technologies et des marchés en Amérique du Nord et en Europe. Début 2023, Ensorcia Group compte une trentaine de salariés, auxquels s’ajoutent des contrats temporaires pour répondre aux projets.

«L’Europe est en pointe dans le véhicule électrique mais manque de ressources. Elle sait qu’elle doit être active dans le raffinage et la conversion du lithium en matériaux de qualité batterie et qu’il faut aller vite », considère Daniel Layton. Dans le détail, «nous voulons profiter du bon time to market [délai de déploiement] de notre technologie et des cours élevés du lithium pour produire rapidement, en construisant conjointement une usine de carbonate de lithium en Amérique Latine et une usine d’hydroxyde de lithium en Europe», explique le président de la filiale européenne d’Ensorcia Group (Sorcia Europe), Pierre de Lapeyrière, un Français passé par une longue carrière dans le conseil avant de rejoindre Ensorcia Group. L’hydroxyde de lithium, un peu plus cher à produire que le carbonate, est privilégié pour les batteries les plus performantes et souvent vendu via des contrats à long-terme.

L’entreprise espère ouvrir ses portes «le plus vite possible» et anticipe produire quelques milliers de tonnes d’hydroxyde en équivalent lithium carbonate (LCE, l’indicateur usuel dans le milieu) les premières années avant de monter en puissance pour atteindre 40 000 tonnes à terme. Sur le plan des technologies chimiques de conversion du carbonate vers l’hydroxyde, Pierre de Lapeyrière dit travailler avec «un partenaire de renom, sur le sujet depuis plus de 20 ans».

Extraction directe du lithium

Les chiffres corroborent l’urgence telle que la présente Ensorcia Group. Selon le cabinet CRU, autour 310 000 tonnes d’équivalent carbonate de lithium ont été produites en 2022. Cette somme devrait tripler d’ici 2027 pour se rapprocher de la barre du million. L’Agence internationale de l’énergie identifie aussi l’hydroxyde de lithium (dont la Chine possède 80% des capacités de raffinage) comme un potentiel “goulot d’étranglement” pour l’électromobilité. L’enjeu est donc d’aller vite. Ensorcia Group devra donc trouver des terrains mais surtout boucler le financement de ses usines de raffinageElle dit être en discussion avec “plusieurs acteurs” et mise sur la “modularité” de ses usines pour pouvoir construire rapidement.

Reste l’approvisionnement en lithium, alors qu’Ensorcia Group n’a pas encore de mines. Refusant le broyage de roches lithiées, un mode d’extraction jugé “polluant et énergivore”, l’entreprise veut profiter de la manne des eaux souterraines salées chargées en lithium. Ces saumures, que l’on retrouve notamment dans les salars andins, en Amérique Latine, sont généralement exploitées via de grands lacs s’évaporant à l’air libre. Ensorcia Group prévoit d’exploiter sous licence une technologie d’extraction avancée, dite d’extraction directe du lithium.

Développée par l’entreprise canadienne International Battery Metals (Ibat), qui a mis au point un matériau capable de piéger le lithium contenu au sein des saumures avant de la vendre à Ensorcia Group c’est «la seule technologie d’extraction directe qui est testée à l’échelle industrielle et a été validée par une tierce partie», vante Daniel Layton. Il chiffre qu’elle permet de réinjecter 98% de l’eau extraite dans les salars et n’utilise pas de produits chimiques. Début 2022, Ibat a construit une usine pilote en Louisiane, qu’elle teste pour l’instant avec des saumures importées depuis lesquelles elle peut retirer 65% du lithium. Daniel Layton se refuse à estimer un prix de production. Plusieurs dizaines d’entreprises développent des technologies d’extraction directes, et toutes doivent encore faire leurs preuves à l’échelle industrielle.

Un créneau encombré

Où seront installées ces usines ? Ensorcia Group qui avait annoncé vouloir investir 450 millions d’euros dans l’extraction et le raffinage de lithium en Amérique du Sud en 2018, précise avoir déjà commencé à forer sur leurs concessions en Argentine, autour du salar de Antofalla, dans le cadre d’une coentreprise formée avec le groupe américain Global Oil Management Group (GOMG). Au Chili, la situation est bloquée en raison du «refus du gouvernement de laisser entrer un troisième acteur dans le lithium [après l’américain Albermarle et le chilien SQM]», se plaint Daniel Layton.

L’annonce d’Ensorcia Group s’inscrit dans le cadre d’une ruée vers l’extraction directe de lithium et le raffinage en Europe. Selon une étude de l’association Transport & Environnement dans une étude parue le 24 janvier, le Vieux continent pourrait raffiner autour de 50% du lithium consommé pour ses batteries d’ici 2027, si l’on en croît les annonces des industriels. En France, le rapport site notamment le projet d’Imerys, qui prévoit de produire de l’hydroxyde de lithium dans l’Allier, ainsi que celui de la start-up Viridian, qui a annoncé à l’été l’ouverture d’un site de raffinage en Alsace dès 2025.

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